Intitulé serpentant les rives des vers
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16/05/1993 - 01/07/1993

Suicide pour échapper à la peine capitale

Paris m'attaque déjà
Au simple appel de son nom
La ville se déchaîne
Fait battre le coeur
Plus vite
Plus fort
Comme un amour
Que l'on aime
Et qui vous quitte

16/05/93

Carte de membre du club des solitaires

Nous étions tellement seuls
Qu'il fallait bien être deux
Pour bâtir notre solitude

22/05/93

Retransmission exclusive en direct des cieux

J'étais inquiet et tu m'as rassuré
Je sanglotais et tu m'as consolé
Yahvé ! Es-tu si jaloux à ton tour
Pour me préserver de tout autre amour ?

22/05/93

Où ?

Nous irons quelque part

Où les fleurs savent
Les couleurs du soleil
Où les ruisseaux inondent
Les sépultures endimanchées

Quelque part

Où les rêves
Des grands imaginateurs
Ne crèvent pas
Pourrissant dans les flaques
Et se déchirant dans l'ombre

Nous irons là

Où le soleil se lève
À chaque seconde
Là où les ombres de nos fantômes
Contemplent nos visages creux
Dans l'envers des miroirs.

30/05/93

Le vol parabolique de trois volatiles sans ailes

Deux oiseaux volaient libres et heureux :
Le premier s'appelait Coeur et était
On ne peut plus tendre mais courageux
Et c'était lui qui le plus haut volait.

Quant au second, il s'appelait Raison,
Il était habile et calculateur,
C'était lui qui au loin, à l'horizon,
S'envolait avec le plus de splendeur.

Un jour un rouge-gorge magnifique,
Qui se mouvait dans le ciel avec grâce,
Vint bouleverser de façon tragique
La vie paisible des pauvres rapaces.

Immédiatement, au premier coup d'aile,
Les deux oiseaux en même temps tombèrent
Dans un pur et fidèle amour pour celle
Qui virevoltait devant leurs paupières.

Coeur l'aimait passionnément avec flamme,
Raison, plus sagement entretenait
Les braises qu'il brûlait sans que s'entame
Le feu qui au bel oiseau le reliait.

Un jour, le rouge-gorge s'envola
Il partait voler dans d'autres pays,
Sans être troublé, il leur déclara,
Qu'il serait de retour au mois d'avril.

Coeur pensait toujours à lui, nuit et jour,
Il rêvait de son doux et bel oiseau.
Raison ravivait sans cesse l'amour
Qui se consumait si loin dans son dos.

Rouge-gorge revint pour annoncer
Sans appel qu'à jamais il les quittait,
Coeur tenta alors de le rattraper
Imprudemment au loin il s'envolait.

Un chasseur l'assassina d'un seul tir
Le sang qui jaillissait de la dépouille
Éclaboussait Raison comme un martyr,
Comme si le sang était fait de rouille.

Raison pétrifié, Coeur assassiné,
Le rouge-gorge vole dans le ciel.
Quelle morale faudrait-il tirer
De cette fable tellement cruelle ?

Sommes-nous plus robustes qu'un Oiseau ?
Pouvons-nous résister à un Départ ?
Non ! Nous, aussi fragiles qu'un Roseau,
Rêvons d'un Rouge-gorge quelque part.

Nous rêvons de voler à ses côtés...
Et ensuite nous devons l'oublier...
Qu'est-ce que les oiseaux laissent derrière
Mes ail's avec lesquell's ils arrivèrent ?

30/05/93

Fulgurante force des boas constrictors

C'est par le regard que je te vaincrai
Tu n'as pas la force de le lever
Et encore moins de le soutenir
Mes yeux revolvers te feront mourir

Sois prudente ou je tirerai à vue
Yeux bandés au poteau d'exécution
Seul mon regard saura te mettre à nue
Mes yeux verts tireront sans sommation

Devant toi je ne baisserai la tête
Je te fusillerai de mon regard
Je ferai sauter tes moindres remparts
Mes yeux ouverts braveront tes tempêtes

31/05/93

Injection intra-soupirante

Aujourd'hui j'aimerais encor
Sentir le souffle dans mon corps,
Naissant au creux de ma poitrine,
Il montait jusqu'à mon sourire,
Réchauffait de sa main câline
Mes poumons, d'un simple soupir.

Soupirs devant la boîte aux lettres,
Lorsqu'enfin elle parvient à être
Ce que j'attendais qu'elle soit,
Enfin la source de jouvence
Et la chaleur qui monte en soi,
Brusquement, doucement, en transe.

Soupirs devant ce téléphone
Qui crie avec sa voix aphone,
Soupirs d'attente en attendant :
Inquiet, doutant de tout sur tout,
Et soupir de soulagement :
La patience sort ses atouts.

Je suis là, à attendre d'être heureux,
De sentir en moi le feu amoureux.

01/06/93

Incendie aquatique sur la mer mandarine

Regarde bien la fournaise féerique brûler
Je veux y tremper mon corps, y plonger
Je veux me remplir de ce feu
Alors je pourrai fumer l'univers

Et je déterrerai nos vieux rêves cramoisis
Et je chanterai la marche funèbre à la reine des cons

Regarde bien dans le plus profond des océans
Je veux l'enflammer de mon cerveau
Je veux y réchauffer mes os nocturnes
Alors je pourrai parfaitement nager sur la lune

Et je griffonnerai mes poèmes débiles sur les murs
Et j'orchestrerai les craquements du tonnerre
Et je choisirai les beuveries que je peux perdre
Et je boirai du vin bleu pendant ma croisière

Alors rassemble l'océan et la fournaise
Feu et eau seront ensemble en un même lieu
Résisteras-tu à l'explosion mortelle
Résisteras-tu à mon illusion illicite

Et je rêverai jusqu'à ce que la nuit puisse la voir
Et je la raconterai jusqu'à ce que tous la sachent
Et je la jetterai quand elle sera merdique
Et je l'échangerai contre une mer verte
Et j'y pêcherai une nouvelle illusion
Et je la peindrai dans mon propre style
Et j'en recouvrirai tous les murs de la Terre
Et je pourrai reposer en paix dans mon tombeau

ENFIN...

02/06/93

Le poids des maux

Les vieillards avancent
Le dos voûté
Pourquoi ne regardent-ils pas
La vie
Avec le peu qu'il leur reste
À la voir ?

03/06/93

Jackpot d'une haine résorbée

Je gagnerai mes points de vie sans vous
Je traverserai les désert tout seul
Je crierai sous vos croix mon courroux
Et me moquerai en voyant vos gueules
Car si c'est grâce à vous que je suis né
Je vous hais, je veux que vous le sachiez

Car j'ai grandi seul sans votre ombre noire
J'ai vaincu seul mes cris de désespoir
Et sans vous je vivrai encore un peu
Sans vous je grandirai encor plus haut
Et je vous écraserai s'il le faut
Car maintenant je voudrais vivre heureux

24/06/93

Abandon judaïque devant les fascistes

As-tu déjà ressenti la plénitude
D'un long souffle chaud qui te monte à la gorge ?
As-tu déjà vu chanter le rouge-gorge
T'empêchant de rester dans ta solitude ?
As-tu déjà fait l'amour sur un nuage
Aimant et te lovant dans ses draps coton ?
As-tu déjà ri en regardant ton front
Balancer entre les lunes : sage ou volage ?

Et bien moi je sais quel est le nom du vent
Car il souffle en mon corps pour me réchauffer,
Et l'oiseau ne chante que pour m'amadouer,
Car il espère ainsi épargner son sang,
Je ne veux plus t'aimer plus haut que les cieux
Car jamais, tu ne sauras jamais voler,
Plus jamais avec toi je ne sourirai
Car tu ne sais pas que les lunes sont deux.

24/06/93

Au carrefour des nerfs optiques

J'ai encore mes yeux qui s'entrechoquent
Lorsque je pense à toi mon tendre amour
Et mes rêves bleu marine débloquent
S'il faut ouvrir les yeux au petit jour

24/06/93

Détective privé de sourires

J'ai cherché les visages ce soir
En vain,
Jamais je ne les ai trouvés !
Je ne voulais pas absolument
Qu'ils soient beaux,
Mais qu'ils arrêtent d'être si laids
Qu'ils ne ressemblent même plus
À des visages.

Et j'ai vu des peaux de vieillards,
Vieillir en un clin d'oeil,
Étouffés sous le maquillage
Qui voulait les rajeunir.

J'ai vu le soleil rougir
Le crâne échevelé
D'un chauve qui rougissait
De se montrer ainsi nu
Au soleil.

J'ai vu des dormeurs
Se réfugier dans le sommeil,
Pour ne pas fatiguer plus encore
Leurs yeux éreintés
D'avoir tant regardé
La vie.

Et j'ai vu une fille...
Au visage angélique d'enfant...
Elle courait...
Avant que la vie ne la rattrape
Elle courait...
Belle... avec un visage...
Elle courait...

Alors j'ai couru
Avec elle
Et nous courions
Tous deux
Laissant la vie à nos trousses
Et souriant
Car nous avions reconnu
Nos visages

24/06/93

Auto-propagande des aliénés mégalomanes

Dans l'ombre
Des milliers de poètes
Hurlent leurs vers
Aux oreilles de sourds
Qui leur tournent le dos

25/06/93

Décollage de l'albatros par vent d'ouest

Et je déploierai mes grandes ailes
Même si elles sont goudronnées
Je réglerai mes comptes avec celles
Qui n'ont pas su, n'ont jamais su m'aimer

25/06/93

Compréhension tardive de la mécanique interne du cocufiage

D'abord frapper et frapper ainsi
Jusqu'à ce que l'autre sente en lui
L'extase fatale du pendu
Le dernier plaisir avant la mort
Celui pour lequel on veut encor
Se battre jusqu'à être déchu

Ensuite lever les yeux sur soi
Et voir que dans cet enfer si froid
À côté du diable et de sa horde
De démons, les yeux crachant du sang,
Sa propre tête également pend
À l'autre bout de la même corde.

28/06/93

Intoxication au coeur par manque de sommeil

Je viendrai retirer l'aiguille de ta veine,
Te désintoxiquer de mon philtre d'amour,
Lorsque ton insomnie te bloque au carrefour
Je t'offrirai ma main pour traverser sans peine.

Je viendrai te chercher dans le coeur de ta haine,
Alors je t'apprendrai à haïr les vautours,
Mais à garder intact ton coeur d'éponge pour
Te laisser embrasser mes lèvres quotidiennes.

Dès lors, je t'aimerai aux recoins des chemins,
Toujours je t'aimerai dans le creux de ta main
Je t'aimerai couchée sur le béton des routes,

Je t'aimerai debout dans les parkings déserts,
Je t'aimerai sans fin comme coule une goutte,
S'il n'y a pour l'arrêter pas l'ombre d'une mer.

29/06/93

Quand les globules marxistes refusèrent d'obtempérer

Mes pieds, mes yeux et mon corps tout entier
Ne me disent plus bonjour le matin
Je suis forcé de les amadouer
Pour que jusqu'au soir ils se tiennent bien

Le miroir chaque jour me dévisage
Comme si j'avais pu commettre un crime
Quand j'ai voulu détourner mon visage
En le maquillant de prose et de rime

Et mon carnet s'épuise à trop parler
Et mes vers tanguent sous les balustrades
Je ne me lasse pas de ne cesser
De déverser mes douces versifiades

29/06/93

Dieu est un trafiquant ferroviaire

Merci de m'avoir chassé du train,
J'ai dû changer de compartiment,
J''ai obtenu un billet enfin...
Le voyage fut bien plus plaisant.

Car j'ai rencontré dans mon wagon
Celle qui venait violer mes nuits.
Ses cheveux transparents de coton
Ont anéanti ma nostalgie.

Mon Dieu, mon rêve existe bel et bien
Et je l'ai rencontré dans ce train.
Ne seriez-vous pas un peu poète,
Quand vous agitez votre baguette,
Pour faire apparaître mes doux songes,
Tuant le désespoir qui me ronge ?

Alors je vous en prie : retenez
La belle fille aux cheveux d'argent,
Que j'ai déjà tant de fois aimée,
Tant l'éclat de mon rêve était grand.

01/07/93

L'aile voilée d'un ange déguisé en fée

Ô mon ange déchu, perdu sans auréole
Je viens te replacer dans le plus haut des cieux
Car ta place est là-haut, car tu mérites mieux
Que le fossé boueux où ton p'tit coeur s'affole.

C'est à moi maintenant, il faut que je recolle
Ta baguette de fée et tes rêves si bleus
Que tu puisses repeindre à nouveau de tes yeux
Les couleurs de nos vie, qui loin de toi s'envolent.

Je ne sais même plus si tes ailes de lin
On déjà repoussé, mon ange tu es loin.
Peut-être ne veux-tu d'ailes de cachemire,

Peut-être es-tu déjà au fond d'un autre ciel,
Et peut-être ce ciel regorge des sourires
Que tu n'avais pas pu conserver éternels.

01/07/93

Indigestion de poésie noyée

Et je dégueule les vers
Que je ne peux plus garder
Expiant les pensées
Que je m'étais caché

Et mon renvoi se déverse
Sur les pavés de Paris
Ma tête explose
Submergée de scènes
Submergée de Saine
Submergée
Mais saine.

01/07/93

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